UNE EXPERIENCE NOETIQUE.

En 1976, à Clichy, dans le parc Roger Salengro.
Il était à peu près treize heures et c'était le début du Printemps.

Je me promenais, comme d'habitude, entre midi et une heure,
en contemplant les arbres, le gazon, les fleurs, les oiseaux,
il faisait beau temps, quoique un peu frais.
C'était après un bref repas dans un bistrot du quartier (sandwich, bière, café).
Juste à côté d'un arbre majestueux, aux feuilles encore naissantes.

Un coup de tonnerre soudain a résonné, assourdissant, dans mes oreilles,
plutôt un craquement formidable,
comme un arbre immense qu'un éclair briserait de haut en bas.

Je suis resté pétrifié sur place, immobilisé,
mais sans aucune crainte.
Le temps était comme arrêté, suspendu (n'existait plus).
J'étais seul au monde, gens, toutes choses mobiles, avaient disparus,
Un silence total, absolu, a succédé à la déflagration,
la lumière a changé de ton, (dans le même instant).
Alors que le ciel était bleu avec quelques nuages par-ci par-là,
tout fut remplacé par une sorte de lumière spectrale, indescriptible,
ni argentée, ni dorée, mais les deux à la fois, cuivrée,
je pourrais l'appeler la lumière primordiale, fondamentale, incréée
la lumière régnant au début de la création de l'univers.
Dans le même temps, je me suis aperçu que la trame de l'espace était apparente,
les arbres baignés de cette lumière, les maisons,
tout était empli de fils d'or reliant les choses les unes aux autres,
(je dis de l'or parce qu'ils étaient dorés,
mais tout comme la lumière, il s'agissait plutôt d'or philosophal, primordial, non physique,
ou bien d'orichalque vivant liquide, le métal légendaire des aztlans).
Ces fils d'or étaient eux-mêmes chargés, à intervalles réguliers,
de petites sphères mobiles de texture et de couleur analogue.
Et, l'Esprit (l'énergie vitale et intelligente, la vie), circulait à travers tout cela.

Je sentis qu'il n'y avait aucune différence entre les arbres, les choses et moi,
nous étions de nature similaire, j'étais eux, ils étaient moi.
Nous n'étions que les noeuds particuliers de ce réseau de fils d'or,
notre individualité apparente n'était que formelle, le fond restant identique et unique.
Je participais à la vie de l'univers à égalité avec le reste des êtres et des choses,
même les pierres étaient vivantes...
J'étais empli d'un sentiment de "Globalité".
Je savais, "La Connaissance" était en moi,
Comme si la "Source Lointaine" était proche, à portée de main.
J'eus l'impression qu'il eut suffit de poser une question pour obtenir la réponse,
avant même de l'énoncer.
Mais il n'y avait plus de questions....

Je ne sais pas combien de temps cela a duré, (probablement quelques secondes)
car il n'y avait personne près de moi lorsque cela est arrivé
et il n'y avait personne non plus lorsque cela s'est terminé.
Mais c'était un "véritable" instant d'éternité...

Je me suis brusquement retrouvé au même endroit et suis retourné travailler au bureau.
Des tâches informatiques à réaliser dans l'urgence...

L'impression de réalité était indéniable,
les images en sont imprimées de façon indélébile dans mon esprit,
le simple fait de me remémorer cet instant me le fait quasiment revivre vingt-cinq ans après.

Lorsque je demandais au Yi-King ce qui m'était arrivé en secret, j'obtint l'hexagramme 2 en final,
K'Ouen, le réceptif, Terre au sein de la Terre.

En voici à peu près la signification mystique :
Vous êtes en harmonie avec les grands flux vitaux, vous vous adaptez en souplesse avec les forces intérieures qui vous habitent car vous êtes sans désirs ni passions.
Soyez comme la Terre, fertile et infatigable.
La ligne changeante donne ; Avancez sans vous imposer de limites.

Car j'ai quelque chose à te dire,
une parole à te communiquer,
la parole de l'arbre et le chuchotement de la pierre,
le murmure des cieux à la terre,
des abîmes aux étoiles.
Je connais un éclair que les cieux ignorent,
une parole que les hommes ne connaissent pas,
que les multitudes de la terre ne comprennent pas.
(Poème de Baal à 'Anat écrit en Ougaritique environ 1500 av. JC.)